M le magazine du Monde | 04.07.2014 | Par Florence Beaugé (Addis-Abeba, envoyée spéciale)

Elle répond aux questions avec timidité, mais en souriant de toutes ses dents. Des fausses dents qui lui ont coûté la somme de 10 000 birrs (370 euros). Une fortune en Ethiopie où le salaire moyen est de 31 euros. Ehetebeza Tsega, 22 ans, n’avait pas, jusqu’à une date récente, de quoi se faire soigner la bouche, et encore moins s’offrir un dentier.
Mais depuis qu’elle travaille à l’atelier Muya (« Talent »), elle met de l’argent de côté. Du coup, elle s’habille avec soin – tee-shirt violet, foulard rose dans les cheveux, jupe rose à fleurs assortie – et la voilà à présent avec une dentition toute neuve. Elle ne s’y est pas encore tout à fait habituée, on le sent, mais elle a gagné en assurance.
UN VILLAGE DE PARIAS
Assise sur son tabouret de travail, la jeune fille raconte sa vie par bribes, tout en appliquant au pinceau des petits points blancs sur une grosse boule ornée d’un bec : une pintade… Potière, on l’est de mère en fille, dans son village de Kechene, sur les hauteurs d’Addis-Abeba.
Un village de parias car les potières, comme les forgerons, se situent tout en bas de l’échelle en Ethiopie. Des années durant, Ehetebeza Tsega a tenté de s’en sortir en travaillant à son compte, avec sa mère et sa sœur. Mais sa vie était une succession d’épreuves. Il fallait creuser le sol pour trouver de l’argile, trier et laver les mottes de terre, récupérer du bois dans la forêt voisine où elle risquait chaque fois d’être violée, faire ses poteries, les cuire, les peindre, et enfin, courir les marchés pour espérer les vendre, ..
En savoir plus : http://www.lemonde.fr/le-magazine/article/2014/07/04/les-maudites-s-emancipent_4450277_1616923.html